Haïti Renaîtra ! – Lettre ouverte à Emmanuel Macron par Jean Willer Marius

Haïti Renaîtra ! – Lettre ouverte à Emmanuel Macron

  • par Jean Willer Marius

Monsieur Macron,

La France, version 2021, a finalement décidé de restituer au Bénin 26 des œuvres d’art que vos ancêtres avaient pillées au cours du 19e. Le scénario du voleur présumé repentant n’émeut personne, je vous rappelle que si la France a pillé le Bénin, elle a dépouillé Haïti, cette terre qui l’a enrichie.

Aujourd’hui, le journaliste raciste, et volontairement mal informé traite Haïti de «pays le plus pauvre de l’Amérique», alors qu’appauvri, serait le mot juste. En effet, si Haïti est devenue exsangue, c’est parce que la France colonialiste esclavagiste l’a, des siècles durant, saignée à blanc en drainant son or, sa pite (son sisal), son sucre vers la métropole. Elle a même trouvé des experts à la con pour expliquer que les Noirs sont incapables de ressentir des émotions, qu’ils devraient être quotidiennement battus, séparés de leurs proches, car ils ne sauraient rien en ressentir. Malheureusement, cette infamie continue de nourrir les esprits et même s’ils ne l’affirment pas, les agents de l’immigration continuent de croire à ce faux héritage que vous nous aviez légué.

Face au rejet de l’esclavage, ce crime contre l’humanité, mes ancêtres se sont révoltés, et Rochambeau, votre général tortionnaire, s’était payé la défaite sanglante, de ces esclaves pieds nus, armés seulement d’une volonté de combattre la déshumanisation. Mon propos n’est pas de vous rappeler d’une histoire que vous connaissez si bien au point que vos historiens, académiciens, tentent de la déformer en excluant pendant longtemps Vertières [merci Dany, des dictionnaires français], mais de vous rappeler que le vaillant général, Toussaint Louverture fut kidnappé par la France, interné sans procès au Château de Joux jusqu’à sa mort, il est donc bien vrai qu’on ne saurait espérer mieux d’une nation qui a construit et fait fonctionner la Bastille.

Je me passerais volontiers de calamités si en 1825, votre État d’alors n’avait pas mis un couteau sous la gorge du président Boyer pour l’y obliger. À vous payer 90 millions de francs-or comme dette de l’indépendance. De cette escroquerie, Haïti n’avait aucune chance de se relever, et cette somme actualisée, intérêts capitaux réunis, ne totalise pas moins de 22 milliards de dollars américains. Si le coup du sous-marin australien que les Yankees viennent tout juste de vous rafler vous sidère alors, comprenez ce que ressent chaque Haïtien digne de ce nom, face à cette France, auteure de tous ses maux.

N’en déplaise à votre prédécesseur, la France n’a pas une dette morale envers Haïti. La moralité étant cette vertu rare qui, s’il ne vous faisait pas défaut, vous obligerait excuses et restitution. Ces 22 milliards que Paris doit restituer sans délai à Haïti, contrairement à ces fétiches que d’ici la fin octobre que vous allez rendre au Bénin, contribueront à la renaissance de cette nation digne entourée de mauvais voisins.

Cette lettre mettra probablement longtemps pour percer la carapace bureaucratique française, mais j’espère qu’elle parviendra sous les yeux de madame votre femme, cette intellectuelle de belle eau qui devra parfaire votre formation sur le cas d’Haïti. Et si cette France insoumise voulait bien passer de la parole aux actes, le moment est approprié pour porter la reconnaissance de la dette de la France envers Haïti dans le débat public en attendant qu’une batterie d’avocats franco-haïtiens entame le grand procès de la restitution.

Croupissant depuis longtemps sous les genoux des puissants, vous pourriez, Monsieur Macron, nous épargner cette peine et cette perte de temps en établissant un échéancier pour vous libérer de ce devoir humain avant la fin de votre mandat. Haïti acceptera qu’une partie de cette somme colossale lui soit remise sous forme de route, d’électricité, d’hôpitaux, d’universités.

Une lubie dites-vous déjà ? Alors là vous venez de vous accuser d’incivilité.